Trois questions à Pascal Canfin

Pascal Canfin, Député européen et président de la Commission Environnement, Sante Publique et Sécurité Alimentaire répond à nos questions.

 

 

Quelles sont nos priorités au niveau européen pour protéger le climat ?

Nous vivons un moment historique pour l’écologie en Europe. Sur les prochains 18 mois, c’est près de 50 directives qui mettent en œuvre le Green Deal qui vont être modifiées que cela soit sur des questions de mobilités, de rénovation des logements, de finance verte, ou d’agriculture… Il s’agit notamment de changer les règles du jeu pour atteindre les nouveaux objectifs que nous nous sommes fixés : réduire de 55 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 pour être neutre en carbone en 2050 au plus tard, diminuer notre consommation de pesticides de 50 % dans les 10 ans, passer à 25 % de bio dans notre agriculture d’ici 2030, etc… 

Lorsque vous ajoutez ces 50 textes en cours de changement vous arrivez à un véritable changement systémique qui va faire passer le prix du carbone à au moins 50 euros la tonne, sortir les voitures thermiques du marché en 2035, introduire un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union, etc… 

Et cela vient en parallèle du plan de relance de 700 milliards d’euros que nous venons d’adopter au Parlement européen issu de l’accord historique de juillet 2020 entre les chefs d’Etat. Ce plan de relance flèche 37% des crédits vers les investissements verts et stipule que aucun euro ne puisse être alloué à des activités qui nuiraient à la planète. Les Nations unies ont évalué ce plan comme le second plan le plus vert au monde. Nous pouvons en être fiers. Avec la transformation de la Banque européenne d’investissement en Banque du climat nous avons maintenant des outils financiers massifs pour être à la hauteur de la transition. 

 

La France a-t-elle les moyens de faire avancer les dossiers environnementaux ?
 

La France est clairement un acteur clé de cette accélération. Que cela soit au niveau du Conseil Européen via l’action du Président, ou au Parlement, nous avons aujourd’hui la capacité de peser sur toutes les décisions. La délégation Renaissance fait partie de Renew, groupe charnière au Parlement Européen et aucune majorité n’est possible sans notre soutien. Nous avions fait le pari de peser en rejoignant le groupe Renew, 18 mois après notre arrivée au Parlement européen, les chiffres sont clairs. Depuis le début du mandat, 90% des votes sont alignés avec la position de notre délégation car notre rôle central nous permet de bâtir des compromis qui tiennent compte de notre ligne politique. 

Il faut toujours le rappeler, il y a deux ans, seuls trois pays étaient favorables à la neutralité climat dont la France. Grace à notre action diplomatique c’est devenu l’objectif officiel de l’Union en décembre 2019. Il en est de même avec le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. C’était une idée poussée par la France depuis des années, depuis Jacques Chirac pour être précis, mais sans traction. Le président de la république a réussi à convaincre ses partenaires et à en faire la nouvelle doctrine européenne. La loi sortira en juin ! 

 Enfin, avec la présidence française de l’Union européenne entre janvier et juillet 2022, en pleine campagne présidentielle, la France aura la possibilité d’accélérer encore cet agenda politique. Les priorités sont en train d’être définies et ça ne manquera pas d’ambition !

En France, il y a beaucoup de débats sur les ambitions du Gouvernement, quel est votre regard d’un point de vue international sur les politiques publiques menées ? 

Étant naturellement très mobilisé sur des décisions européennes et internationales je dois dire que je suis étonné sur l’état souvent caricatural du débat en France. Les choses sont pourtant assez simples à mes yeux. La France fait partie des pays leader en Europe pour son action climatique, les ONG environnementales à Bruxelles nous classent dans le top 3 européen, et, en même temps, nous devons en faire plus car nous ne sommes pas encore en ligne avec nos engagements même si nous sommes, avec la nouvelle loi Climat et Résilience, fortement en train de nous en rapprocher.  

Il ne faut jamais hésiter à rappeler que c’est ce gouvernement qui a dit Non à l’aéroport Notre dame des Landes, au quatrième terminal de Roissy, au centre commercial géant Europacity, à la mine d’or en Guyane Montagne d’or, etc… Aucun des gouvernements précédents n’avait eu le courage de ces décisions.  

Pour moi, le juge de paix de l’action du Président sur les cinq ans sera de savoir s’il a mis le pays sur la voie de l’Accord de Paris alors qu’il a trouvé une situation en 2017 où nous étions très très loin de ces objectifs puisque les émissions de gaz à effet de serre ont continué à augmenter sous François Hollande. L’étude récente réalisée par le BCG montre que nous sommes sur ce chemin notamment grâce au plan de relance. Mais cela impliquera sans doute de renforcer la loi Climat Résilience dans sa partie Logements dont on sait que c’est le principal point noir de l’action publique depuis plus d’une décennie puisque aucun Gouvernement n’a réussi à tenir ses objectifs de rénovation des bâtiments. Il faut donc changer de modèle, c’est ce que j’ai proposé au Président de la République qui a initié une mission placée sous le pilotage d’Emmanuelle Wargon et dont nous rendrons les conclusions d’ici avril. Décider d’obliger les Français à rénover sans leur apporter de solutions immédiates, soit ne se fait jamais car cela reste une obligation sur le papier, soit cela entraîne les Gilets Jaunes du logement. Pour réussir, il faut négocier avec les artisans, les banques, la CDC, les grandes entreprises du secteur de l’énergie pour développer un modèle économique qui fonctionne à grande échelle, et qui permettra ensuite de mettre l’obligation en place et de la réaliser. 

Je pense que la majorité présidentielle pourrait encore plus qu’aujourd’hui développer une pensée de ce qu’est l’écologie de gouvernement pour mieux l’incarner face à une écologie de la contestation permanente. C’est ce que je porte au niveau européen : transformer sans fracturer la société, changer en profondeur les règles du jeu pour les entreprises mais en s’appuyant sur la partie du monde économique qui montre la voie et non en prenant des décisions “hors sol”, négocier les transitions avec les acteurs sociaux pour rendre le changement acceptable. Autant d’éléments de méthode qui constitue l’écologie de gouvernement. 

2 réflexions sur “Trois questions à Pascal Canfin”

  1. Pour la rénovation des logements, il faut une aide totale de l’état par exemple avec un prêt du montant des travaux assurer par un remboursement écholonné basé sur l’économie de chauffage ou une emprise sur la valeur du logement du montant des travaux, récupérer lors d’une vente ou héritage.

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